Le premier cadrage : des couleurs chaudes, une crinière de lionne brune, une peau bronzée, des lèvres écarlates, des yeux bruns mi-clos, des petites lunettes rouge monture en bois clair.
On achète de quoi manger, elle a le bras autour de mon bras, parce qu’elle trouve que je marche trop vite. Elle a le sens de l’accroche et du prétexte pour nous rapprocher.
J’aime ça.
Mon canapé est trop étroit, ma couverture trop petite, mon film trop long. Elle aime les films en anglais à condition qu’elle puisse les suivre. Je lui mens en disant qu’évidemment elle pourra le suivre. Au bout de dix minutes, nous sommes sous la couette. Jamais nous ne saurons ce que devient le mec de Very Bad Trip lorsqu’il prend une drogue non homologuée pour devenir supérieurement intelligent. En même temps, on s’en fout, du mec de Very Bad Trip. Nos corps se cherchent, se complètent, se serrent jusqu’à ce qu’ils se confondent, nos vertèbres craquent de trop s’enlacer, elle glisse sa tête entre ma joue et mon bras comme un petit chat, j’enroule ma jambe autour de sa taille pour l’approcher, l’accrocher et l’absorber un peu plus, elle est si proche que je pourrais me noyer dans ses yeux, que je ne vois plus rien d’autre, à tel point que je finis par reculer pour la regarder, la deviner dans la pénombre, détailler la courbe de ses pommettes, son nez en trompette, ses lèvres entrouvertes, et me demander ce que cette apparition fait dans mon lit.
La lumière filtre entre les rideaux mal tirés. Il n’est pas encore 7 h. Putain d’été. Elle me dit que je l’ai cherchée pendant la nuit. Ça lui a plu. Ça me plait. Ça me plait en particulier de l’avoir fait dans mon sommeil, sans en avoir conscience.
On se parle avec douceur du jour à venir. On échafaude des plans et élabore des stratégies, on se met d’accord pour partir tôt, pour avoir le temps de ne pas se presser et en profiter, on se roule en boule compacte et on s’enroule comme des nems dans la couette, on se cherche et se titille en s’asticotant pour se réveiller, on se mordille et je m’émerveille de la longueur de son cou tandis qu’elle s’exclame sur la douceur inattendue de ma barbe – FAUX -, on se presse de se lever avant de retomber l’un sur l’autre en riant, on s’habille et se déshabille en accéléré, et il est déjà midi. Nous allons dans les musées et monuments pour mieux se parler. Nous leur préférons l’étrangeté de la visite d’une église et d’un cimetière. Nos mains sont aimantées. Elles se trouvent sans se chercher, sans demander, sans même y penser, je crois que nous ne nous sommes pas lâchés, à aucun moment.
J’ai envie de la ramener chez moi, encore. Nous coupons court à la visite. Nous rentrons pour préparer le dîner, nous nous empressons de l’oublier aussitôt franchi le palier. La soirée est déjà bien avancée lorsqu’elle se retrouve à cuisiner en culotte, pieds nus sur le carrelage. Nous alternons une sélection de nos chansons d’amour et de gaité. Elle danse, se déhanche, se dandine, marque le rythme de son joli menton pointu, les yeux mi-clos, à mesure qu’elle tranche, émince et agglomère les ingrédients. Je suis sur le pas de la porte et je la regarde. Elle a les cheveux relevés, un long cou délié, je finis par céder, m’approcher en douceur et, juste là, lui planter un baiser.
Plus tard, lors d’un moment de calme, j’en profite pour la regarder, la caresser, souligner ses courbes et m’en délecter. Je la mordille et la taquine, lui relève le visage pour mieux observer la descente vertigineuse et fascinante que je parcours, depuis la pointe de son menton jusqu’au creux de son ventre. L’un comme l’autre, nous sommes fatigués de ces heures sans sommeil. Les heures passent à grande vitesse, Je ne sais plus quoi penser, elle s’en va sans bruit, comme elle est arrivée, et jusqu’à la fermeture des portes de l’ascenseur, nos regards se sont cherchés. Elle m’envoie un message.
Je suis folle de toi.
Je suis déstabilisé de lire sur ses mots, la plus belle déclaration qu’on puisse imaginer. Je lui promets une réponse écrite, de m’y atteler sur un registre que je maîtrise mieux et qui sera à la hauteur du plaisir qu’elle me procure. Elle me dit qu’elle patientera et je suis heureux d’enfin la satisfaire, même si cette réponse n’est qu’une anecdote de plus ajoutée à la montagne de nos anecdotes échangées. Ce qui importe est qu’elle m’appelle mon homme et que je l’appelle ma femme. Tout le reste n’est que littérature.
Je suis marié depuis 1 an, et ce n’est que du bonheur partagé.